Le Foron, l’inévitable obstacle

Il se nomme Coudray lorsqu’il prend sa source sur le flanc des Voirons, mais devient Le Foron (source profonde) près de Machilly, avant de se jeter dans l’Arve en amont du pont de Sierne. Il marque sur ces huit derniers kilomètres la frontière naturelle entre la Suisse et la France. Cependant, contrairement à l’usage qui veut que le milieu d’un cours d’eau marque la limite de propriété, la frontière court au sommet de la berge côté suisse. Cette particularité date du 16 mars 1816, date de la signature du Traité de Turin entre le Roi de Sardaigne et le représentant de la Confédération suisse et de Genève.

Durant la guerre, cette rivière était un inévitable obstacle à franchir pour tous ceux qui voulaient atteindre la Suisse pour s’y réfugier : personnes recherchées (opposants au régime de Vichy, hommes, femmes et enfants juifs, jeunes français fuyant le Service du travail obligatoire en Allemagne (STO), maquisards blessés, etc.), ou encore celles et ceux appartenant à divers réseaux de Résistance ou services secrets qui entendaient mener une partie de leur lutte depuis la Suisse.

Traversaient également Le Foron, les personnes munies d’un visa pour la Suisse, autorisées pour des raisons officielles, professionnelles ou économiques : les agriculteurs allant travailler leurs terres de l’autre côté de la frontière, les employés des transports (tram ou train), les médecins spécialistes ou les sapeurs-pompiers notamment. Passages clandestins ou passages autorisés, il fallait franchir Le Foron, soit par ses ponts, à Thônex : Pierre-à-Bochet, Moillesulaz, Sous-Ville (borne 99) ou à Fossard le pont de l’Escalade (borne 100), soit, c’était surtout le lot des réfugiés, en passant dans le lit de la rivière et parvenir mouillés et transis, après avoir franchi les barbelés et parfois échappé aux balles allemandes, de l’autre côté de la frontière.

Outre les personnes, la frontière était aussi le lieu de passages de marchandises officiellement ou non. Un important trafic de contrebande existait de part et d’autre du Foron : sucre, beurre (transporté dans des tonneaux), café, tabacs et autres produits de consommation passaient de Suisse en France, alors que la contrebande d’églantiers et de petits oignons prenait le chemin inverse. L’or, les montres et la monnaie étaient également des objets pour lesquels les contrebandiers thônésiens et savoyards prenaient des risques.

Une importante affaire fut la « Loterie du Foron », trafic de graines de petits oignons et de pièces d’or auquel participaient une cinquantaine de personnes dont plusieurs gendarmes et douaniers suisses et français.

Texte: Claire Luchetta