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Cultiver en terre étrangère
La fermeture, dès le début du conflit le 1er septembre 1939, de la frontière entre la Suisse et la France bouleverse la vie des habitants de la région. Perçue plus comme un lien que comme une barrière, cette ouverture sur le pays voisin est garante de leurs activités et de leurs habitudes économiques et sociales.
Les agriculteurs qui, au gré des mariages, des héritages, des modifications territoriales et des achats, ont une partie de leurs biens-fonds dans le pays voisin, ne peuvent s’y rendre et cultiver leurs terres. Interdit d’abord, cet accès sera rapidement organisé et règlementé. En effet dès le 11 septembre 1939, les paysans suisses peuvent obtenir une carte frontalière auprès du Consulat de France à Genève, carte à utiliser dès l’ouverture de la frontière.
Un mois plus tard les propriétaires-frontaliers des communes limitrophes françaises et suisses, munis des papiers nécessaires, pourront pénétrer jusqu’à une profondeur de 800 m. dans le pays voisin pour y récolter leurs légumes et y couper leur bois.
Des conditions de passage seront négociées et plusieurs fois renégociées avec les différentes autorités à la frontière durant le conflit : la France de la Troisième République, l’Etat français, les Allemands qui laissent la place à l’occupation italienne, suivie, après la reddition de l’Italie fasciste, par l’Allemagne nazie jusqu’à la libération de la Haute-Savoie le 16 août 1944.
Les personnes autorisées à traverser la frontière doivent le faire à des jours, des heures et des lieux précis et limités, ne transporter ni lettre, ni imprimé, être en possession, outre la carte frontalière, d’un laissez-passer valable au maximum deux mois. Ce document n’est accordé qu’aux ressortissants suisses et français. La mairie de Thônex doit auparavant transmettre la liste des bénéficiaires à la Zollgrenzschutz-Befehlstelle à Annemasse par l’entremise de la direction des Douanes.
Durant leur séjour de quelques heures sur le territoire français, les personnes autorisées ne peuvent quitter la parcelle où elles travaillent. Lorsqu’il faut faire entrer les récoltes en Suisse, de nouvelles démarches doivent être entreprises auprès des autorités étrangères par les Douanes suisses. Les autorisations sont accordées pour quelques jours seulement, uniquement pendant la journée et pour un passage précis, peu importe la météo, la maturité et la conservation des céréales ou des fruits récoltés, ou la proximité des exploitations agricoles du lieu de passage imposé.
Que de tracasseries administratives lorsqu’il s’agit d’envoyer les troupeaux pour l’estive au Salève, d’effectuer les travaux d’automne, de moissonner ou de faire venir à Genève des Savoyardes pour les effeuilles.
Il était parfois possible de faire appel à un exploitant de l’autre côté de la frontière pour cultiver ses champs, pendant que l’on s’occupait des siens sis en territoire suisse.
Texte: Claire Luchetta