La « Résistance Fer »

Durant le conflit, l’outil stratégique que représentait la ligne de chemin de fer de sept kilomètres Annemasse-Gare des Eaux-Vives à Genève est restée ouverte jusqu’à l’occupation de tout le territoire français, le 11 novembre 1942. Après cette date, seul le trafic des marchandises fût autorisé au rythme de deux navettes pas jour. Bien que très étroitement surveillée, elle permit à de nombreux fugitifs, résistants, messages, etc. de traverser la frontière dans les deux sens.

Les hommes du rail participèrent à la « Résistance Fer » en Haute-Savoie, comme d’autres cheminots le firent ailleurs. A Annemasse, un cheminot, André Allombert, organisait cette résistance. Une chaîne de complicité était nécessaire entre les hommes du rail résistants, les cheminots suisses et le personnel de la gare des Eaux-Vives.

Seule une vingtaine de cheminots d’Annemasse bénéficiaient d’un sauf-conduit nominatif, renouvelable chaque mois, les autorisant à effectuer le trajet. Une des difficultés était d’accéder au dépôt et aux voies de triage sans se faire repérer. De surcroît, monter dans un train en marche, même roulant au ralenti, était périlleux pour des personnes âgées ou des adultes avec de jeunes enfants.

« Les candidats au voyage vers la Suisse étaient cachés par les soins d’un cheminot, soit dans la soute à charbon, soit dans le tender à eau à demi rempli, ou encore entre les châssis, (…) En cas d’impossibilité pour un passager clandestin d’accéder au convoi avant qu’il ne s’ébranle, celui-ci était conduit à trois cents mètres de la gare, à proximité d’une halle de marchandises (…) De hautes herbes faisaient écran à un embarquement précipité sur une locomotive, momentanément en perte de vitesse. Le Foron franchi (…) l’on arrivait dans le tunnel de Grange-Canal, long de quatre cents mètres. Le train s’immobilisait un court instant, et c’était le débarquement précipité des passagers clandestins en Suisse, car il fallait éviter, en gare des Eaux-Vives, des regards indiscrets et malintentionnés ».

« On avait rendez-vous à la gare d’Annemasse, dans la rotonde, pour voir comment on allait grimper sur la locomotive : le mécanicien provoquait une grosse échappée de vapeur qui nous dissimulait à la surveillance des Allemands. Il y avait aussi le problème du disque, le « mouchard » qui faisait que le train ne pouvait pas s’arrêter ; il ralentissait avant la gare de Chêne, dans une courbe et je sautais à ce moment-là » F. Passerat, résistant.

« On prenait aussi des gars sur la locomotive. On les habillait en bleu de chauffe, les Allemands (…) savaient qu’il fallait un mécanicien, un chauffeur, 2 personnes, (…) mais ils savaient que la réglementation SNCF autorisait un 3ème agent, ou un 4ème éventuellement, en formation.» A. Allombert, résistant.

Texte: Claire Luchetta